Catégorie : Cinéma

  • Lara Croft x Fatal Frame

    Qu’est-ce qui m’a intéressé cette semaine ?

    Lara se rebiffe. Françoise Cadol, voix française de Lara Croft, a mis en demeure l’éditeur et développeur Aspyr, qui a utilisé l’intelligence artificielle pour combler des trous dans le doublage des jeux présents sur la compilation Tomb Raider IV – VI Remastered. Et ce alors que la comédienne s’oppose à l’usage de sa voix à cette fin.
    Le Parisien ↗

    360 noscope. Depuis la mort du fasciste Charlie Kirk, les pseudo-défenseurs de la liberté d’expression dans le jeu vidéo travaillent dur à policer celle des autres. Et les entreprises du secteur démontrent leur incapacité à défendre leurs travailleurs face aux campagnes de dénigrement. Dernière victime, l’équipe du jeu français Caravan SandWitch, désavouée par son éditeur Dear Villagers.
    Frandroid ↗

    Église cathodique. La BBC a rencontré les retrogamers qui font la chasse aux modèles de télévision de leur enfance, ainsi qu’aux moniteurs professionnels autrefois utilisé dans des contextes médicaux ou de surveillance. Un chouette article où l’on croise notamment Mike Chi, créateur des upscalers Retrotink, ou encore le développeur d’Animal Well.
    BBC ↗ (en anglais)

    Tu veux ma photo ? Un nouveau remake pour la série de survival horror Project Zero. Ou plutôt Fatal Frame, l’appellation européenne semblant proche d’être abandonnée. Annoncé lors du dernier Nintendo Direct, Fatal Frame II : Crimson Butterfly Remake sortira début 2026 sur toutes les consoles, ainsi que sur PC.
    Zero Wiki ↗ (en anglais)

    Chilla’s Art au cinéma. Connaissez-vous cette fratrie japonaise spécialisée dans les walking simulators horrifiques ? Si non, foncez sur Steam et Itch pour les découvrir. Ou attendez 2026 pour voir l’adaptation cinématographique de The Convenience Store, jeu qui comme son nom l’indique prend place dans un konbini.
    Automaton West ↗ (en anglais)

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  • Filmer ce qu’on ne peut exprimer

    Retranscription de la séance de questions-réponses qui a suivi l’avant-première du film Renoir de Chie Hayakawa, le 26 août 2025 au cinéma mk2 Bibliothèque à Paris. Traduction par Miyako Slocombe. Je recommande de voir le film avant de lire le texte. La première question du public est la mienne !

    Modératrice : D’où est venue l’envie de faire Renoir ?
    Chie Hayakawa : C’est à peu près depuis que j’avais l’âge de Fuki que je voulais faire des films. Il y avait plein de choses, des instants précis, des émotions précises que j’avais envie de mettre en scène au cinéma, et j’ai l’impression qu’avec ce film, je suis enfin parvenue à faire ce que j’avais envie de faire.

    Modératrice : Est-ce que vous aviez déjà envie de faire ce film depuis que vous avez 11 ans ?
    Chie Hayakawa : Non, pas exactement, j’avais plutôt de nombreuses bribes de scènes, que j’ai assemblées au moment de l’écriture du scénario de ce film, et c’est ça qui a donné ce que vous venez de voir.

    Modératrice : Le film se passe en 1987, et j’ai un peu deux questions en une : déjà, pourquoi cette période-là de l’histoire du Japon, mais aussi, en 1987 vous aviez 11 ans comme Fuki, donc à quel point Fuki c’est vous ?
    Chie Hayakawa : Effectivement, il y a le fait que j’avais 11 ans qui a orienté ce choix de placer le film à cette époque, mais c’est un film qui aurait pu se passer de nos jours, cependant il y avait ce concept de service de messagerie qui lui n’existait que dans les années 1980 et c’est surtout pour cette raison qu’il a été nécessaire de situer ce film à ce moment-là. Après, tout ce qui se passe dans le film, chaque épisode du récit, ce sont des fictions, ce ne sont pas du tout des choses qui me sont arrivées dans la réalité, en revanche dans la personnalité de Fuki, il y a beaucoup de parts de moi qui sont représentées. L’actrice Yui Suzuki, qui joue le rôle de Fuki, a eu aussi un rôle important car c’est une personne qui a énormément de charme, et qui a aussi réussi à insuffler sa propre personnalité, sa propre originalité au film.

    Modératrice : À quel point le film est personnel ? Il est très différent de Plan 75, votre précédent long métrage.
    Chie Hayakawa : On peut dire que c’est un film très personnel. Dans Plan 75, on était plutôt dans des problèmes de société, c’est un film qui est né de cela. Pour Renoir, j’avais envie d’une approche complètement différente, et d’être plus au niveau des sensations, de la sensibilité, et d’exprimer à travers un film des choses difficilement exprimables par les mots.

    Modératrice : Plan 75 traitait, dans une sorte de fiction un peu futuriste, d’un plan pour que les personnes de 75 ans puissent décider de mettre fin à leur vie contre rémunération, dans un Japon du futur. On parlait donc déjà de mort, et là aussi on retrouve ce lien avec la mort et le deuil, avec l’histoire du père. C’était quelque chose de conscient, ou ça vous est un peu tombé dessus, « mince, mes deux films parlent de ça » ?
    Chie Hayakawa : Je pense que j’en ai pris conscience une fois que le film a été fait. Après avoir réalisé Plan 75, je me suis demandée pourquoi cette thématique-là de la mort, du deuil, m’attirait autant, et je me suis rendue compte que moi-même, dans ma propre enfance, avec la vie que j’ai menée avec mon père malade, qui lui aussi a fait face à la mort, ça a eu une grande influence sur moi, cette perception de la mort, que j’ai mise en scène dans Plan 75. En ce sens-là, on peut donc dire effectivement qu’il y a un lien entre les deux films.

    Modératrice : Ce qui est intéressant, c’est de voir que le film ne traite pas tant de la disparition que de l’entre-deux. C’est-à-dire que pendant tout le film, le père est encore là même si on le sait condamné, donc on n’est pas vraiment dans le deuil ni encore dans la vie, on est dans ce près deuil. Est-ce qu’on peut dire que c’est ce que raconte le film ?
    Chie Hayakawa : C’est vrai que Fuki est un personnage qui est constamment proche de la mort, mais qui au début ne comprend pas que c’est quelque chose qui provoque forcément de la tristesse. Je crois que c’est un film qui parle de ça. Fuki ne comprend pas ce que c’est que le deuil au début et va petit à petit le découvrir. Pendant tout le film, elle est en train d’observer des gens qui pleurent, dès le début on a ces plans d’enfants qui pleurent, puis la scène des funérailles où ses amis sont en train de pleurer sa mort, on a aussi la mère qui crie de douleur à l’hôpital parce qu’elle a perdu son enfant. Au début, Fuki ne comprend pas la raison de ces larmes, mais à mesure que l’histoire va avancer, elle va le comprendre. Le film parle de cette transformation qui s’opère en elle.

    Modératrice : J’ai une dernière question : pourquoi le titre Renoir ?
    Chie Hayakawa : J’avais l’idée au départ de trouver un titre qui n’ait pas de lien direct avec l’histoire. Et je trouvais ça amusant d’avoir un contraste entre un film qui parle d’une jeune fille dans le Japon des années 1980, avec un titre qui ait le nom d’un peintre français. Lorsque le film a été présenté à Cannes, parmi les retours que j’ai eus, on m’a dit que les peintres impressionnistes accumulaient de la couleur pour former un tableau, et qu’à ce titre-là on pourrait établir une comparaison avec ce film qui accumule plein de petits épisodes, qui une fois cumulés forment une histoire. Dans ce sens-là, mon film a été comparé à un tableau de ce style. D’autre part, dans le Japon des années 1980, il y avait beaucoup de reproductions de tableaux occidentaux célèbres d’artistes comme Renoir, et c’était très à la mode d’avoir chez soi de telles reproductions, il y en avait aussi chez moi. Á l’époque, les Japonais admiraient beaucoup la culture occidentale et voulaient la rattraper. C’était une époque où ils faisaient beaucoup d’efforts pour être au niveau, alors qu’aujourd’hui, on trouve ça aussi étrange de décorer nos petites maisons japonaises de fausses peintures occidentales. C’est très révélateur des années 1980 au Japon.

    Public : Ces derniers mois, en France, on a eu l’opportunité de découvrir la filmographie d’un réalisateur japonais qui s’appelle Shinji Somai, et en voyant Renoir, j’avais encore assez fraîches dans ma tête les images du film Déménagement. Je me demandais si ça avait pu être une inspiration, étant donné qu’on a aussi dans votre film une sorte de déménagement, une sorte de séparation, qu’on a une situation d’incommunicabilité entre parent et enfant, et même, vers la fin du film, une situation où l’enfant est un peu en errance seul, ce qu’on retrouve dans Déménagement avec ce passage onirique. Je voulais savoir si c’était un film auquel vous pensiez ou si c’est moi qui a vu ce lien comme j’ai vu le film récemment.
    Chie Hayakawa : J’ai vu le film Déménagement de Shinji Somai quand j’étais au collège, et j’ai vraiment adoré. Il faisait partie de mes favoris. Je me disais qu’un jour, moi aussi j’aimerais réaliser ce genre de film, donc oui, c’est une grande influence de Renoir, qui est d’ailleurs parsemé de toutes sortes d’hommages. Jusqu’ici, Shinji Somai n’était pas un réalisateur beaucoup présenté à l’étranger, et c’est seulement ces dernières années que ses films commencent à y être projetés, notamment Déménagement. Par conséquent, je rencontre beaucoup de personnes qui l’ont vu, avant de voir mon film, et c’est quelque chose qui me rend très heureuse.

    Public : Je n’ai pas vraiment de questions mais je voulais vous remercier pour les thèmes que vous avez abordés dans ce film. Je trouve qu’ils sont très importants, et qu’on ne les exploite peut-être pas assez. J’ai aussi beaucoup apprécié la fin du film que je trouve très positive, avec le retour de la complicité entre la petite fille et sa maman. Je travaille dans une maison de retraite et j’ai l’habitude de voir les accompagnants, les proches, qui sont en contact avec la mort et la refusent, souvent. Là, je trouve que c’était vraiment abordé de manière très délicate et très positive.
    Chie Hayakawa : Merci beaucoup.

    Public : Tout d’abord, je voulais vous dire que votre film a été un de mes préférés à Cannes. Á propos des sujets que vous y abordez, le deuil, la relation mère-fille, la pédophilie, je voulais savoir quelle était l’idée première, le message que vous vouliez transmettre, et si vous vouliez dès le départ explorer tout un panel de thématiques, en laissant la liberté au spectateur de se faire sa propre idée.
    Chie Hayakawa : Je voulais faire un film dans lequel je puisse exprimer au maximum des sentiments que moi-même je ne comprends pas bien. Exprimer à travers le cinéma l’incompréhensible et l’inexplicable. Pour vous expliquer pourquoi, quand Plan 75 est sorti j’ai eu toutes sortes d’interviews, et je me rendais compte que j’arrivais très facilement à expliquer le film, et en fait je trouvais ça un peu ennuyeux. Je me suis dit que pour ce deuxième film, j’allais vraiment laisser mes impulsions parler d’elles-mêmes.

    Public : J’ai une question sur la musique et l’ambiance sonore du film, que j’ai trouvé très touchante. Notamment lors des moments inconfortables où il y a des sons dissonants. Comment avez-vous travaillé ça, est-ce que c’était votre volonté quand vous avez commencé ce film ?
    Chie Hayakawa : C’est le même compositeur que Plan 75, un compositeur français. On s’était mis d’accord dès le début sur le fait qu’on ne voulait pas utiliser la musique pour augmenter l’effet dramatique, mais qu’on allait uniquement l’utiliser dans le monde imaginaire de Fuki. Il y a aussi de nombreux sons qu’on entend tout au long du film. Il me semble que les enfants sont beaucoup plus sensibles à tous les bruits qui les entourent. Par rapport à la peur que ressent le père par rapport à sa mort imminente, j’ai voulu l’exprimer à travers le son, par exemple dans une scène où il se lave les mains, on entend très fort le bruit de l’eau qui coule et qui s’échappe via les canalisations, et le travail du son permettrait d’exprimer ce qu’il se passait émotionnellement dans l’esprit des personnages.
    Modératrice : Le compositeur s’appelle Rémi Boubal.

    Public : J’ai une question à propos de la gestion des acteurs. Comme vous dites que c’est un film très personnel, lors du casting, avez-vous eu des difficultés à trouver l’actrice principal, du fait que vous cherchiez peut-être un peu de vous en elle ? Et comment ça s’est passé sur le plateau pour gérer ces impulsions que vous aviez ?
    Chie Hayakawa : Concernant le casting, je m’attendais à devoir auditionner plusieurs centaines d’actrices pour le rôle principal, mais il se trouve que Yui a été la première que j’ai auditionnée, et j’ai eu la chance de tout de suite la trouver. Je m’attendais à ce que ce soit assez difficile de diriger une jeune actrice, mais il se trouve que Yu Suzuki est une actrice extrêmement talentueuse, et je n’ai pratiquement pas eu à lui donner d’instructions. Je n’avais pas besoin de lui expliquer qu’elle devait avoir tel type d’expression à tel moment, ou que son personnage est censé ressentir ceci ou cela, je l’ai vraiment laissée libre d’interpréter comme elle le voulait le personnage de Fuki. En tant que réalisatrice, ça a été très facile de travailler avec elle. Du coup, il ne s’agissait pas tant que recréer mon enfance, que de rapprocher ce que j’étais enfant au personnage de Fuki.

    Public : J’ai une question par rapport aux séquences imaginées par Fuki tout au long du film, notamment celle qui sert d’introduction. Est-ce que derrière ces séquences, outre le fait de rappeler que Fuki est une enfant, il y a aussi une volonté de l’installer comme une narratrice peut-être pas très fiable, et qu’on remette en question le reste des événements du film ? Si oui, est-ce que le fait de garder volontairement floue la limite entre ce qu’il se passe réellement et ce qui fait partie de l’imagine de Fuki a pu influencer le scénario ?
    Chie Hayakawa : Dès l’étape du scénario, je tenais à ce que la frontière entre réel et imaginaire soit floue, cela parce que quand j’étais moi-même enfant, j’imaginais beaucoup de choses et j’avais beaucoup de fantasmes, et cette frontière entre ce qui était dans mon imagination et ce qui se produisait réellement était extrêmement floue.

    Modératrice : Dans ce sens-là, j’ai une question sur le moment où Fuki fait un signe d’au revoir vers la fin du film. C’est un au revoir à qui ?
    Chie Hayakawa : Différentes interprétations sont possibles. Ça peut être une scène issue d’un rêve de Fuki, mais peut-être aussi de sa mère. C’est peut-être aussi Fuki qui quitte sa famille pour partir dans le monde, et qui lui dit au revoir. Elle dit peut-être aussi au revoir à son père mort, elle dit peut-être à sa mère qu’elle sort de chez elle, ou c’est peut-être aussi la mère qui regarde sa fille. Je voulais que ce soit quelque chose d’ouvert à toute interprétation.

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  • Les mineurs ont bon dos

    Imaginez, vous vous réveillez un matin et tout le monde est habillé sur internet. Un cauchemar ? Non, c’est la réalité… ou ça pourrait le devenir. Les gouvernements ont trouvé la parade pour protéger les mineurs des contenus pornographiques en ligne : la vérification d’âge. Problème, ce qui se fait à vue de nez ou sur la base d’une carte d’identité dans les supermarchés, ou à l’entrée des sex-shops, est moins évident derrière un ordinateur. Sur le net, personne ne sait que vous êtes un chien, disait le célèbre dessin du New Yorker. Qui que vous soyez, l’immensité de la toile s’offre à vous, avec ce qu’on y trouve de pire et de meilleur. Ou d’inapproprié pour votre âge… Le discours sur les dangers du web n’a pas attendu 2025 pour fleurir, mais les choses prennent une tournure plutôt inquiétante cette année. Sous prétexte de tendre vers une régulation similaire à celle qui s’effectue dans le monde physique, les initiatives de vérification d’âge semblent bien parties pour rendre la vie plus difficile à tout le monde. Prenons un exemple avec X, l’ancien Twitter.

    Certes, je vous recommande plutôt d’utiliser Bluesky ou Mastodon, mais il ne m’a pas échappé que le réseau social d’Elon Musk a récemment appliqué, semble-t-il à toute l’Europe, une censure agressive des contenus considérés comme réservés aux adultes. Certains utilisateurs, bien que publiant des photos ou des vidéos suggestives, voient également tout ou partie de leur contenu être masqué. Même un film érotique de la TNT serait plus chaud… Les photos affriolantes d’une modèle amateur japonaise, qui n’a jamais enlevé ses sous-vêtements ? Il va falloir estimer votre âge. Ses deux autres comptes, pendant ce temps, s’épanouissent tranquillement sur Instagram, pourtant connu pour l’application parfois aléatoire de son règlement. Les tenues du jour d’une modèle OnlyFans, qui a spécifiquement créé un compte pour y apparaître habillée, à l’occasion de manière légère ? La plupart des photos sont encore en ligne, mais d’autres sont masquées. Pourquoi ? Allez savoir. L’on pourrait dire que l’ex-site au petit oiseau y est allé fort, car c’est au Royaume-Uni, et pas encore tout à fait en France, que l’internaute doit maintenant présenter sa carte d’identité virtuelle tous les deux clics. Et, comment dire, ça saoule de devoir encore subir les lubies d’un ex après un divorce. Mais l’on ne peut pas séparer les lois et règlements de leurs effets. Pour qu’on les laisse tranquille, certains sites ne vont pas hésiter à jeter les créateurs de contenu licencieux sous le bus, quel que soit le degré de nudité. Ou décider de fermer leurs portes, comme un certain géant de la pornographie en ligne. Quand vous utilisez ces plateformes pour gagner votre vie ou vous faire de l’argent de poche, le coup est rude.

    Mais Lucas, protéger les mineurs part d’une bonne intention, sur le papier. Qu’on s’entende bien, la distribution de contenu pornographique aux moins de 18 ans est interdite, et c’est très bien comme ça. Le sexe explicite, c’est bizarre ; c’est ce que j’ai pensé jusqu’à un certain âge. Par contre, nous avons tous été jeunes, et nous savons bien à quel point la sexualité pouvait occuper nos esprits. Et après tout, les films érotiques, côté classification, sont OK à partir de 16 ans, et des mangas comme Step Up Love Story étaient à l’origine lisibles dès 15 ans. Et, comment dire, les ados n’attendent pas la majorité pour coucher ensemble. Je cherchais des moyens de voir des images de femmes plus ou moins dénudées dès l’école élémentaire, lesquelles étaient moins facile d’accès qu’avec les smartphones d’aujourd’hui. J’avais le fond d’écran que vous voyez ci-dessous à 14 ans. Mais, pour suivre l’air du temps, il faudrait dire que les jeunes subissent désormais leur première rencontre avec des choses pas de leur âge. Qu’elles leurs tombent dessus et ruinent leur innocence à jamais. Je lève un sourcil. La curiosité a poussé bien des gamins d’une certaine époque à mettre dans le magnétoscope une cassette vidéo suspecte. Ils ont peut-être été choqués. C’est normal ! Il ne faut pas en avoir honte ! Rien de bizarre à ne pas être prêt. Mais peut-être aussi, attention, je vais dire quelque chose de terrible, d’autres y ont trouvé quelque satisfaction. Cela ne veut pas dire que l’on doit filer du Marc Dorcel à son cousin lycéen ou mettre Terrifier 2 au programme des sorties scolaires. Votre ami fan de films d’horreur qui a encaissé Alien, le huitième passager à 10 ans et qui « va très bien » ne représente que lui, comme je ne représente que moi. Je pense en revanche qu’il est possible de dédramatiser. Et d’être honnête sur le résultat que l’on vise en régulant internet au nom des mineurs : leur rendre la pornographie inaccessible, comme un kiosquier interdirait d’acheter Union à votre petit frère, ou réprimer leur curiosité pour la sexualité pour défendre, plus ou moins ouvertement, un idéal de chasteté sans rapport avec la réalité.

    La gravure idol japonaise Eiko Koike en fond d'écran d'un ordinateur

    Bref, tout le monde est emmerdé : les créateurs de contenu, les jeunes et les adultes. Des solutions existent pourtant : les systèmes de contrôle parental pour les mineurs, l’éducation sexuelle pour comprendre ce que l’on voit… Quelque chose me dit, malheureusement, que certains groupes à l’origine de toutes ces turpitudes ne sont en vérité pas favorables à ce second point. En d’autres termes : ils sont conservateurs. Une véritable éducation sexuelle, qui met en avant le consentement, qui valorise le plaisir autant qu’elle normalise le droit de s’en ficher du sexe, qui défend les droits reproductifs, qui permet un échange sur les contenus érotiques et pornographiques sans les diaboliser, qui prend en compte les jeunes hétéros comme LGBT, et j’en passe et d’autres conditions, tout le monde n’en veut pas. Ce n’est pas contradictoire : si l’école ou les associations sont empêchées de faire ce travail, internet peut servir à des jeunes (ou à des moins jeunes) à trouver des réponses à leurs questions, des communautés qui les accueillent, ce qui déplaît à ceux qui préfèrent qu’un jeune en questionnement sur son genre suive une thérapie de conversion. Rien de mieux que de murer les espaces inclusifs en ligne via la vérification d’âge. C’est triste, mais l’on se retrouve à redoubler de prudence dès qu’une campagne prétendant protéger les mineurs ou lutter contre les violences sexuelles pointe le bout de son nez, quand bien même elle obtient des résultats positifs comme d’envoyer en prison les pires malfrats de l’industrie du X. Prenons garde à ce que l’on soutient, au risque d’y laisser notre liberté. Il y a bien plus que la possibilité de voir des seins qui est en jeu !

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  • Coil x Kyary Pamyu Pamyu

    Qu’est-ce qui m’a intéressé cette semaine ?

    Double censure. Le retrait de certains jeux pour adultes de la boutique en ligne de jeux vidéo Steam a récemment créé la polémique. Dans deux articles, Vice a mis en avant la responsabilité d’une organisation en lien avec des mouvements anti-porno conservateurs. Ironie de l’histoire, le média les a ensuite retirés. Si cela arrive généralement quand l’exactitude des faits rapportés est remise en cause, l’autrice assure que ce n’est pas le cas ici. Lisez vous-même.
    Bluesky ↗ (en anglais)

    Kyary nous fait danser. La chanteuse japonaise Kyary Pamyu Pamyu a révélé vendredi son nouveau morceau, Kuru Kuru Harajuku, que j’ai déjà envie d’écouter en club ou en concert. Après Candy Racer sur l’album du même nom, c’est un nouveau bop à mettre au crédit de la princesse d’Harajuku.
    JaME ↗ (en anglais)

    Mad Movies en deuil. Le fondateur du magazine du cinéma de genre, Jean-Pierre Putters, est mort à l’âge de 79 ans. Un hommage lui sera rendu dans le numéro de rentrée, a promis le mensuel.
    Mad Movies ↗

    De la musique en mots. Les prochains ouvrages à rejoindre la collection anglophone 33 1/3, consacrée aux albums cultes, ont été révélés. En tant que fan du groupe et de musique industrielle en général, j’attends impatiemment l’opuscule consacrée à Horse Rotor Vator de Coil.
    Bluesky ↗ (en anglais)

    Isao Takahata honoré. La maison de la culture du Japon à Paris va rendre hommage à partir du 4 octobre à la figure du studio Ghibli, disparue en 2018. Exposition, rétrospective et conférences vont se succéder jusqu’à l’année prochaine.
    Maison de la culture du Japon à Paris ↗

    Un groupe de NK-pop. Un nouveau boys band qui se lance en Corée du Sud, c’est banal. Ça l’est moins quand celui-ci compte deux transfuges nord-coréens parmi ses membres. Voici 1VERSE.
    Reuters ↗ (en anglais)

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  • La danse des trépassés

    La Cinémathèque française consacrait dernièrement une rétrospective au réalisateur italien Antonio Margheriti. Un inconnu pour ma part, mais la présence de films de genre m’a poussé à m’y intéresser. Horreur gothique, science-fiction, polar… Si j’ai aussi exploré la deuxième, c’est de la première catégorie dont nous allons parler ici, avec Danse macabre, sorti en 1964 et récemment remasterisé en 4K. Tout commence par une interview, qu’un journaliste du Times espère décrocher auprès d’Edgar Allan Poe. Quand il trouve enfin l’écrivain, ce dernier conte une histoire d’épouvante à un ami dans une taverne londonienne. La discussion s’engage, et le journaliste, campé par le Français Georges Rivière (La Vierge de Nuremberg du même réalisateur), confie ne pas croire à l’existence du surnaturel. L’occasion pour Lord Blackwood, attablé avec eux, de lui proposer un défi : survivre dans son vieux château à la nuit des trépassés, qui voit les défunts reprendre forme humaine pour mourir à nouveau…

    En 1959, dans La Nuit de tous les mystères de l’américain William Castle, Vincent Price promettait 10 000 dollars à cinq personnes pourvu qu’elles passent la nuit dans une maison hantée. Ici, le pari entre Lord Blackwood et le journaliste, Alan Foster, s’élève d’abord à 100 livres avant d’être réduit à 10 eu égard à la précarité de sa profession. Laissé seul au château pour relever le challenge, notre envoyé spécial aux frontières de la vie et de la mort est témoin d’étranges occurrences qu’il tente de rationaliser. C’est alors qu’il rencontre Elisabeth Blackwood, soeur de, interprétée par la Britannique Barbara Steele (La Sorcière sanglante, idem), avant que d’autres occupants ne se manifestent à leur tour. Le jeu peut alors commencer.

    Comme dans la maison du 7bis rue du Nadir-aux-pommes de Céline et Julie vont en bateau, de Jacques Rivette, où les mêmes scènes sont rejouées sans cesse par des acteurs fantômes, les morts reviennent chaque année à la même date reproduire les circonstances de leur trépas. Deux mouvements se succèdent : d’abord introduit aux événements par les revenants, Alan Foster les voit ensuite se dérouler sous ses yeux. Dans le même temps, il s’éprend de la troublante Elisabeth, dont le corps chaud semble traduire la vie, et voit sa raison le quitter. Portes qui claquent, cadavres qui respirent, tableau ondoyant, fumées inquiétantes, Antonio Margheriti use de tous les subterfuges pour susciter l’angoisse. Des effets assez réussis qui profitent du noir et blanc, qui fait des merveilles lors de l’arrivée au château. Si l’on peut rouler des yeux face au personnage du journaliste, pas avare de niaiseries pour séduire sa belle, celle-ci fait office de figure tragique, désespérée de revenir à la vie par l’amour. Un sujet plus intéressant, à mon goût, que ne le sont les raisons de sa mort et de celle des autres. Dommage aussi que Lord Blackwood, initiateur de ce jeu pervers, reste condamné au rôle d’élément déclencheur. Pourquoi envoyer ainsi des gens à leur fin ? Par simple plaisir de gagner 100 livres ? Si Danse macabre n’est pas La Maison du diable ou La Chute de la maison Usher, la présence de Barbara Steele, des effets efficaces et un climax réussi, en font un bon visionnage. Sans oublier la restauration, dans la version 4K, de scènes sulfureuses autrefois censurées.

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