Étiquette : Whitehouse

  • Les percussions sont la solution

    Voilà plus de 15 ans que l’un des groupes les plus extrêmes jamais créé a cessé d’émettre. Un soulagement, pour certains, eu égard au malin plaisir que prenaient ses membres à pousser toujours plus loin les curseurs de la provocation et de l’agression sonore. Fondé en 1980 par William Bennett, Whitehouse se présentait comme un projet « violemment intransigeant » à la sortie de son premier album, Birthdeath Experience. Ses trois décennies d’activité n’ont fait que donner raison à cette proclamation. Né d’une volonté de radicaliser le son des précurseurs de la musique industrielle, ce rejeton dégénéré de l’underground britannique est lui-même considéré comme le père du power electronics, mélange de synthés torturés et de déclamations infernales. Tueurs en série, violences conjugales, troubles alimentaires, inceste ou pédophilie, aucun sujet n’a jamais été assez tabou pour William Bennett et ses sbires, dont les plus fidèles furent Philip Best, fondateur de Consumer Electronics, et l’écrivain de l’abjection Peter Sotos.

    À partir des années 2000, le son de Whitehouse s’est enrichi d’instruments de percussion africains comme le djembé et le dum dum, notamment dans l’un des titres les plus fameux du groupe, Wriggle Like A Fucking Eel. Une évolution annonciatrice de la transition de William Bennett vers son nouveau projet, Cut Hands, inspiré par l’usage des percussions dans le vaudou haïtien. Jeudi, il était justement à Paris pour nous le faire entendre, en bonne compagnie puisque le concert de Cindytalk, groupe actif depuis le début des années 1980, m’a vraiment envoûté. Seul artiste à occuper la scène du Petit Bain ce soir-là, les autres s’étant mêlés au public, William Bennett portait sur son torse les paroles de Cut Hands Has The Solution, clin d’oeil au morceau de Whitehouse qui lui a fourni le nom de la présente entreprise. La comparaison s’arrête là, car voir Cut Hands en live n’est pas comparable avec l’expérience radicale des « Live Actions », documentées avec force détails sur le site du label maison Susan Lawly.

    Cette fois, il ne serait venu à l’idée de personne de couper le son au bout d’un quart d’heure. Cut Hands n’agresse pas, Cut Hands vous fait bouger, vous plonge dans une sorte de transe, que vous soyez ou non adepte du vaudou. Comme attendu, les percussions au rythme fou sont au coeur du son, avec un peu d’ambient pour reposer les esprits, et les interventions d’une voix féminine chargée d’écho. À l’exception de quelques pas de danse charmants de naïveté, William Bennett est resté derrière sa table mais paraissait habité, levant parfois les bras pour joindre les mains à la façon d’une prière. Il est parti comme il est venu, modestement, loin des bravades et confrontations qui faisaient, à une autre époque, le sel des concerts de Whitehouse. Quelque part, j’aurais été curieux de goûter ne serait-ce qu’un petit peu de ce passé mythique, dont Paris avait plusieurs fois été le théâtre. Il y a un âge pour insulter son public, et un âge pour le faire dodeliner. Les percussions sont la solution !